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5G en Russie : Moscou s’offre le premier réseau à ondes millimétriques

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Contenu rédigé par Damien Dutreuil

Dernière mise à jour : 4 septembre 2025

Il y a quelques années, une annonce avait placé Moscou à l’avant-garde de la révolution numérique européenne. La capitale russe, en partenariat avec le géant américain Qualcomm, devait déployer le premier réseau 5G à ondes millimétriques du continent. Une promesse de débits vertigineux et d’innovations qui devait transformer la plus grande métropole d’Europe en un laboratoire technologique à ciel ouvert.

Aujourd’hui, ce projet ambitieux est devenu le symbole d’une époque révolue. Les bouleversements géopolitiques ont radicalement changé la donne et forcé la Russie à revoir entièrement sa stratégie. L’histoire de la 5G à Moscou est celle d’un rêve de leadership technologique mondial qui se heurte désormais au mur des réalités politiques et industrielles.

Une ambition technologique à l’échelle d’une capitale mondiale

Le projet initial, dévoilé autour de 2019, était spectaculaire. Il ne s’agissait pas de déployer une simple 5G, mais la technologie des ondes millimétriques (mmWave). Cette bande de fréquences très élevées permet des débits de données massifs et une latence quasi nulle. Elle est idéale pour les zones à très forte densité de population comme les centres-villes, les stades, les gares ou les aéroports.

Le plan prévoyait de couvrir les lieux les plus emblématiques de Moscou pour y tester des applications de nouvelle génération : réalité augmentée et virtuelle, véhicules connectés, et services de ville intelligente. Le partenariat avec Qualcomm, leader mondial des puces pour smartphones, et la collaboration avec les opérateurs locaux devaient assurer une mise en œuvre rapide. Moscou, par cette initiative, ne voulait pas seulement rattraper son retard, mais bien doubler ses concurrentes européennes pour devenir une vitrine de la 5G.

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Le tournant de 2022 : quand la géopolitique redessine la carte technologique

Ce projet, qui reposait sur une collaboration technologique internationale, a volé en éclats en février 2022. L’invasion de l’Ukraine a provoqué une rupture brutale entre la Russie et l’Occident. En quelques semaines, les piliers technologiques du projet se sont retirés. Qualcomm, comme les équipementiers européens Nokia et Ericsson qui dominaient le marché russe des infrastructures de réseau, ont suspendu leurs opérations et cessé toute livraison.

Le départ de ces acteurs a laissé les opérateurs russes dans une situation critique. Privés de matériel, de logiciels et de mises à jour, ils ont vu leurs plans de déploiement de la 5G s’arrêter net. La grande ambition moscovite s’est heurtée à une réalité implacable : sans accès à la technologie occidentale, le plan initial était caduc.

Le défi de la souveraineté numérique : la 5G « made in Russia »

Face à cet isolement, le Kremlin a radicalement changé de cap et a fait de la souveraineté technologique sa priorité absolue. Une nouvelle doctrine a été imposée aux opérateurs : la future 5G russe devra fonctionner exclusivement avec du matériel de fabrication nationale. L’État a désigné le conglomérat public Rostec comme le chef de file de ce programme industriel.

Cependant, le défi est immense. Bâtir un écosystème 5G complet à partir de zéro est une tâche colossale qui demande des années, voire des décennies. La Russie ne possède pas d’industrie de pointe dans la fabrication de semi-conducteurs, qui sont le cœur des équipements de réseau. Les premiers prototypes de stations de base russes ont connu des retards importants et leurs performances restent, pour l’heure, loin des standards internationaux. Ce virage vers l’autarcie a donc considérablement ralenti le calendrier du déploiement.

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La bataille des fréquences, l’autre front intérieur

Comme si les obstacles technologiques et géopolitiques ne suffisaient pas, la 5G en Russie fait face à un blocage interne majeur : la question des fréquences. La bande de 3,4 à 3,8 GHz, considérée dans le monde entier comme la « bande dorée » pour un déploiement 5G optimal, est actuellement occupée par l’armée et les services de sécurité russes.

Malgré les demandes répétées des opérateurs de télécommunications, ces agences refusent de libérer ce spectre de fréquences pour des raisons de sécurité nationale. Le gouvernement a donc contraint les opérateurs à se tourner vers des bandes alternatives, notamment autour de 4,4-4,99 GHz, qui sont moins efficaces et pour lesquelles l’écosystème d’équipements est quasi inexistant. Cette situation unique au monde complique encore davantage le déploiement d’un réseau performant et abordable.

Quel avenir pour la 5G à Moscou et en Russie ?

Aujourd’hui, en septembre 2025, le rêve d’un réseau 5G à ondes millimétriques qui couvre Moscou reste une perspective lointaine. Quelques zones de test 5G existent, opérées par des acteurs comme MTS, mais elles restent limitées et ne proposent pas les performances promises par le projet initial.

Le chemin vers une couverture 5G nationale, qui repose sur une technologie domestique encore en développement et des fréquences non optimales, s’annonce long et difficile. L’ambition de Moscou, qui voulait être une pionnière européenne, est devenue une illustration crue des défis que pose la quête de souveraineté numérique dans un monde technologiquement interdépendant.