ID Territoriale - TOP MANAGER : Cécile Joly mène la riposte créative

TOP MANAGER : Cécile Joly mène la riposte créative

Cécile Joly accompagne depuis plus de 20 ans les directions générales de collectivités locales en France, dans leurs transformations managériales et d’organisation. À la tête du Laboratoire d’apprentissage au CNFPT, elle cherche toujours à trouver des solutions. Une quête sans limite !

Comment décrire votre rapport à l'innovation publique ?

J’ai fait toute ma carrière dans la fonction publique territoriale. J’ai commencé par un master en management public à Paris Dauphine après l’IEP de Grenoble, une des premières formations qui intégrait la culture de l’évaluation, la sociologie des organisations, le management public. J’ai commencé par un poste de consultante, puis je suis devenue chargée de mission auprès des directions générales de départements. Mon travail consistait à améliorer le service public et/ou développer des politiques publiques innovantes. Mais on s’est vite rendu compte qu’il fallait aller plus loin, c’est-à-dire transformer ses postures, ses façons de faire. Ce que j’ai pu commencer à mettre en place en étant moi même directrice générale des services d’une mairie.

En travaillant sur l’Agenda 21, j’ai expérimenté de nouvelles façons de construire ensemble les solutions face aux transitions. Cela a eu un impact sur le management : on faisait appel à l’innovation de l’ensemble des agents. Je me suis formée à la gouvernance sociocratique. Ça m’a valu de basculer dans l’innovation publique collaborative.

COMMENT CE BASCULEMENT S’EST-IL CONCRÉTISÉ ?

J’ai monté un laboratoire de l’innovation dans l’Essonne en continuant mes prospections auprès de la 27e Région et voir comment on pouvait réengager les citoyens, retrouver de la confiance dans l’action publique. Là aussi, j’ai travaillé sur la transformation managériale avec une démarche que les agents ont appelé le « Jardin des possibles » qui visait à « faire et à être autrement ». Cela m’a amené jusqu’au CNFPT, le Centre national de fonction publique territoriale. Je travaille toujours sur les questions d’innovation ! Pour moi, toutes les actions menées ne rentrent pas forcément dans de l’innovation. Je vois cela comme une culture managériale collaborative qui incite à la créativité et une nouvelle ingénierie de la coopération. Cela demande surtout une autre posture, d’autres façons de penser, de faire, une autre méthode, revoir nos organisations, moins bureaucratiques. C’est une sorte de recherche pour faire que la démocratie locale, au sens de la décentralisation, fonctionne dans la complexité par la recherche des solutions ensemble, avec ceux et celles qui sont concernés par le problème. C’est adapter le service public aux enjeux sociétaux. D’ailleurs, on le voit avec la crise du Covid : il y a un retour de toutes ces questions. Comment le local doit permettre de trouver des solutions aux défis et aux transitions. C’est ce qu’a fait le maire de Loos-en-Gohelle (Nord Pas-de-Calais) qui dit qu’une innovation, c’est une désobéissance qui a réussi. J'aime beaucoup cette vision de l'innovation. À laquelle j’ajoute la notion de Patrick Viveret de R.E.V (Résistance face à ce qui ne semble pas juste, expérimentation et créativité pour la solution, vision partagée du bien commun, évaluation citoyenne). C’est ce que nous avons co-initié également dans la démarche « Riposte créative territoriale » face à l’obligation du distanciel de la crise Covid.

QUELS PROJETS MENEZ-VOUS AU LABORATOIRE ?

Nous trouvons de nouvelles façons de faire de l’innovation pédagogique pour apprendre ensemble de nouvelles compétences. Nous avons développé une université de l’innovation publique territoriale et un MOOC Innovation publique. Avec la crise du Covid, nous sommes devenus un laboratoire virtuel numérique ; cela nous a permis de lancer « Riposte créative territoriale ».

QUEL EST LE BUT DE « RIPOSTE CRÉATIVE TERRITORIALE » ?

Des membres de la communauté qui ont participé à l’Université de l’innovation publique nous ont dit qu’ils étaient confrontés à des défis sans précédent. Ils avaient besoin de savoir ce qu’ils pouvaient faire ensemble en s’entraidant, ils voulaient trouver des solutions. On a créé un espace collaboratif très ouvert (un site wiki qui a atteint des pics de fréquentation records) et on est passé d’une logique de contrôle à une logique de confiance. Ce nouvel espace d’entraide a permis de recenser les besoins des acteurs publics, les ressources. Cette démarche d’innovation a fait grandir le réseau composé d’élus, d’agents, de citoyens, partenaires. En parallèle, des ateliers à distance ont été organisés tous les 15 jours pour partager les préoccupations et co-construire des solutions. On va continuer sur cette dynamique à la rentrée.

QUELLE SUITE DONNER À RIPOSTE CRÉATIVE ?

L’équipe de Territoria a vu ce que le Laboratoire du CNFPT avait pu faire avec Riposte créative. On nous a proposé d’en faire un nouveau prix pour 2020 que l’on va parrainer. Il récompensera toutes les innovations en matière de continuité des services publics locaux avec des moyens humains parfois réduits, il mettra en lumière de nouvelles réponses sociales apportées aux usagers les plus vulnérables mais aussi les nouvelles organisations de travail. On a vu également des déclinaisons de Riposte créative en région où les collectivités comme la Région Bretagne reprenaient le principe d’un site ouvert en recensant les initiatives citoyennes. La question sera de savoir ce qu’elles vont faire de tout cela sachant que les équipes en place font faire face à d’énormes enjeux sous cette mandature. Le CNFPT doit être présent pour être à l’écoute et être prêt à rebondir avec de nouvelles approches et ainsi retrouver de l’espoir. C’est notre enjeu de la rentrée.

Propos recueillis par Hélène Leclerc