L'ENTRETIEN AVEC...BERNARD DELJARRIE, CAP'COM
Bernard Deljarrie, délégué général du réseau Cap’Com, revient sur le thème « Tous en Transition ! » qui animera les mini-forums Cap’Com Tour, début 2021 et qui marque également le tournant que prend le métier de communicant.
En quoi la communication publique est-elle en transition, selon le thème décliné actuellement dans le réseau Cap’Com ?
« Tous en transition ! » est en effet le titre de Cap’Com tour, les mini-forums qui se tiendront dans les régions début 2021. La transition, sous l’effet de la crise climatique, est à la fois environnementale, sociale et économique. Autant dire qu’elle va conduire à des changements profonds que mesurent les communicants. Mutations de nos modes de consommation, de production, de déplacement. Mais plus profondément, les changements seront dans nos modes de vie, nos rapports collectifs, dans la gouvernance et l’action publique. La crise des gilets jaunes et maintenant la crise sanitaire nous permettent d’entrevoir que cette transition peut être difficile. Les communicants publics sont aujourd’hui conscients de leurs responsabilités face à ce défi. Ils savent que la parole publique devra être davantage audible pour accompagner des politiques publiques qui seront forcément contraignantes. Ils anticipent aussi le fait qu’il va falloir expliquer, convaincre et surtout contribuer aux changements de comportement.
Comment est née cette prise de conscience ?
Depuis quelques années au sein du réseau Cap’Com, nous travaillons aux évolutions du métier dans un contexte sociétal qui évolue rapidement. Défiance croissante envers les élus et les institutions, émergence de discours populistes, complotistes, simplificateurs, apparition de nouveaux médias numériques qui transforment la communication. Parallèlement, les questions environnementales sont devenues particulièrement présentes. Dans ce contexte, les communicants publics ont bien mesuré que leur métier est appelé à des défis majeurs.
Dès lors, quelles évolutions s’annoncent pour le métier ?
La communication descendante, trop institutionnelle est, je crois, révolue. Pour contribuer à la transition sociétale, la communication publique devra être participative. « Il faut révolutionner la communication publique pour construire une meilleure implication et adhésion des citoyens », confirmait une récente tribune publiée à propos de la communication Covid actuelle jugée « d'un autre temps, une communication de défiance ». La communication publique va aussi devoir adopter un ton nouveau. Pour faire prendre conscience des transformations qui s’imposent et surtout pour conduire à de réels changements de comportement, le communicant public va devoir construire un récit crédible sur un ton moins moralisateur, dé-technicisé, et donner à voir une vision du monde portée par de nouveaux codes du bien vivre ensemble. Concrètement la compétence du communicant public ne sera pas seulement dans son savoir-faire de communicant. Elle se situera dans sa capacité à comprendre la société, l’opinion publique, les comportements individuels et collectifs, les attentes et les aspirations des citoyens.
Et que peut faire le réseau des communicants publics pour accompagner ces évolutions du métier ?
Le rôle d’un réseau professionnel comme le nôtre, qui s’adresse aux 25 000 communicants publics, qui offre des services à chacun, est d’abord de permettre l’échange d’expériences. Souvent, le communicant public est un peu seul dans sa collectivité. Il a besoin d’échanger, de confronter son quotidien à celui de ses collègues. Il a aussi besoin d’un accompagnement professionnel pour rester à la pointe des techniques de son métier et pour être en capacité d’être un conseiller. Son expertise est particulièrement utile à l’action publique.
« Le communicant public va devoir construire un récit crédible sur un ton moins moralisateur, dé-technicisé, et donner à voir une vision du monde portée par de nouveaux codes du bien vivre ensemble. »
Pensez-vous que les nouvelles équipes installées lors des dernières élections municipales attendent cette expertise de leurs communicants ?
Les programmes, comme les nouveaux élus municipaux, ont mis en avant deux priorités majeures. L’engagement de leur collectivité pour faire face au dérèglement climatique et la participation des citoyens. Certes, les discours sont plus faciles que les actes mais les Français jugent sur les résultats. La relation citoyenne, c’est à dire l’implication des citoyens, des usagers, à tous les stades de la construction des politiques publiques est aujourd’hui essentielle au fonctionnement et à l’avenir de notre système démocratique. De plus, c’est une source d’efficacité de l’action publique, notamment pour accompagner la transition environnementale. Au regard de ces priorités, les élus sont de plus en plus souvent convaincus que le communicant public joue un rôle primordial notamment pour informer, expliquer, mobiliser, faire vivre la participation et faire évoluer les comportements.
Le dernier Baromètre de la communication locale confirme-t-il cette attente des habitants pour une action publique plus participative ?
Ce sondage grand public a été réalisé à l’issue de la première période de confinement et après les élections municipales. Les résultats traduisent que les Français, de manière générale, perçoivent très positivement les dispositifs locaux de concertation et de participation. Plus de 8 Français sur 10 considèrent que ces dispositifs sont une bonne chose pour que les élus aient une meilleure connaissance des attentes des citoyens, pour que les citoyens soient davantage associés aux décisions les concernant et pour faire émerger des solutions innovantes et améliorer directement les projets et politiques publiques. De plus, le Baromètre mesure que la confiance envers les institutions locales et les élus de proximité reste forte. Cette confiance s’exprime dans l’appréciation que les Français portent sur la communication de leurs collectivités. Ils la jugent crédible et utile. Ils sont demandeurs d’une information plus abondante pour mieux comprendre et agir. Sur ce socle de confiance, la démocratie peut s’appuyer voire se renouveler à partir du local.