TOP MANAGER : Adeline Thomas, Directrice Stratégies de Transition& Innovation Territoriale chez CARENE / Saint-Nazaire agglomération
Adeline Thomas innove... sans s'en rendre compte ! Elle ne s'interdit rien, pousse les portes et compte sur le collectif pour construire les stratégies de transition et d'innovation territoriale de la Carene.
COMMENT VIVEZ-VOUS L’INNOVATION AU QUOTIDIEN ?
On me dit souvent que j’ai des pratiques innovantes. Cela vient peut-être de mes expériences passées, où je me suis retrouvée seule à décider. On apprend à innover dans ces cas-là. Mon chef me dit que je suis opportuniste, mais dans le bon sens du terme. J’adopte une méthode de bon sens : comment faire avec les moyens humains, financiers, matériels dont on dispose pour être efficient.
COMMENT DOIT APPARAÎTRE L’INNOVATION DANS UNE COLLECTIVITÉ, SELON VOUS ?
L’innovation, à mon sens, doit être un projet collectif mené par les agents. Cela passe déjà par les compétences. Elles existent en interne. Au sein de la Carene, nous avons un agent, arrivé en 2016. En discutant avec lui, j’apprends qu’il a un master SIG cartographie et risques littoraux. Nous étions justement en train de préparer le diagnostic vulnérabilités du Plan climat. J’ai proposé qu’il intègre le service. Mon raisonnement était simple : il rejoint l’équipe puisqu’il a les compétences requises ou alors je fais appel à un prestataire extérieur et donc j’engage un budget équivalent à un an de salaire chargé. Résultat : il a intégré l’équipe. C’est ça, l’opportunisme de bon sens !
VOUS TRAVAILLEZ SUR LES STRATÉGIES DE TRANSITION ET D’INNOVATION TERRITORIALE AU SEIN DE LA CARENE. UN SUJET AU COEUR DES PRÉOCCUPATIONS DES INTERCOMMUNALITÉS.
La prise de conscience des collectivités sur la transition énergétique s’est fortement accélérée en 2015 avec les accords de Paris. Sincèrement, je dis merci à Greta Thunberg. Sa prise de parole et son engagement ont permis de franchir un palier supplémentaire. On a pris conscience qu’il fallait se préparer aux risques. C’est arrivé au moment où nous élaborions notre plan Climat Energie, un travail très lourd. J’ai réussi à obtenir un chargé de mission à l’adaptation au changement climatique. Des moyens que je n’aurais peut-être pas pu obtenir avant.
QUELLE EST LA PLACE DE L’INNOVATION DANS LES MISSIONS QUE VOUS MENEZ ?
Mon service a beaucoup évolué. L’équipe est passée de 4 à 13 personnes. Nous sommes rattachés à la Direction générale des services : cela permet un accès direct aux prises de décisions. Et surtout une partie des sujets que nous traitons fait appel à l’innovation. On est dans l’action, on doit aller chercher des solutions. Je dirai même qu’on est parfois dans l’innovation de rupture. Notre travail est de faire différemment avec les moyens dont on dispose. Sur les questions de transition énergétique, il faut embarquer tout le monde. Sinon on n’y arrivera pas.
POUR EMBARQUER TOUT LE MONDE, AVEZ-VOUS UNE STRATÉGIE ?
C’est la méthode du pied dans la porte ! Je me souviens du premier sujet que j’ai porté auprès d’Antoine Bouvet, le DGS : la construction d’une unité de méthanisation. Je savais qu’un industriel faisait une étude de faisabilité de son côté. Nous étions intéressés. Je lui ai demandé qu’on se voit pour en parler. Nous avions des intérêts communs : valoriser les biodéchets en biogaz qui serait réinjecté dans le réseau. Après discussion, nous avons trouvé l’équilibre entre le projet territorial et le modèle économique. Je suis allée présenter le projet aux élus en partant du principe que si on produisait de l’eau, alors pourquoi pas de l’énergie ! Aujourd’hui, le projet est porté par le groupe Vol-V Biomasse (filiale du groupe Engie) avec la Carene et IDEA (un leader de la logistique) comme partenaires. On développe l’autonomie énergétique du territoire tout en générant des retombées économiques directes et indirectes. Pourquoi la collectivité s’interdirait de faire de la production d’énergie et générer des bénéfices ? Ce n’est pas réservé qu’aux opérateurs privés.
ET EN INTERNE, ÇA DONNE QUOI VOTRE MÉTHODE ?
Nous avons expérimenté une nouvelle façon de construire un projet de direction. L’équipe a été fortement renouvelée en 2018 et on se connaissait peu. Il était donc essentiel de lancer un travail collectif pour que chacun sache quelle mission effectue l’autre. Il fallait également gagner en visibilité et en lisibilité à l’intérieur de la collectivité comme à l’extérieur, en faisant connaître nos ressources à disposition des autres directions et des communes. Je souhaitais que ce projet de direction soit co-construit, que la méthode de travail pour le réaliser favorise les liens, les complémentarités. Le but étant de s’appuyer les uns sur les autres et ainsi créer des habitudes de travail en mode projet. Je leur ai proposé un séminaire spécial : une journée et demi avec une comédienne spécialisée dans le théâtre d’improvisation. Et nous sommes allés loin sans mettre mal à l’aise personne, même les plus timides de l’équipe se sont prêtés à l’exercice. Les bases d’un collectif étaient posées. C’était un vrai bon moment.
Propos recueillis par Hélène Leclerc