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TOP MANAGER : 7 "commandements" pour mener l'innovation

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TOP MANAGER : 7 "commandements" pour mener l'innovation

Entrepreneur et acteur du monde public, John Tanguy, directeur de la stratégie et de l’innovation à la Société du Grand Paris, livre ses « commandements » pour faire avancer les sujets et les rendre innovants. Des commandements éprouvés pour construire le métro de demain.

1. « ETRE AU PLUS PRÈS DU PROCESSUS ET CORE BUSINESS »

Il y a quatre ans, je me suis interrogé sur le processus cœur de la SGP. En tant que maîtrise d’ouvrage, la totalité de notre projet passe par un processus classique d’achat. Pour véritablement faire bouger les lignes, nous avons eu la conviction avec le Directoire et la Direction des Achats qu’il fallait innover au cœur du processus achat. Nous avons créé des conditions permettant aux entreprises de proposer des pistes d’innovation et d’optimisation, notamment à travers un mémoire de l’innovation dédié (faisant l’objet d’échanges et ateliers durant la phase de consultation) et aussi et surtout d’une note dédiée à l’innovation (de l’ordre de 5 à 8 % en fonction des marchés).

Finalement, on crée un canal dédié et assez protégé pour avoir cette discussion sur des pistes innovantes parfois un peu en décalage avec notre cahier des charges originel. Les entreprises sont donc invitées à répondre et elles sont notées là-dessus. Résultats : sur certains lots de génie civil, nous avons eu des centaines de propositions d’innovation/alternatives dont certaines sont aujourd’hui mises en œuvre (avec un intérêt objectivable d’un point de vue environnemental, économique, social). Quand on veut innover, il faut être au plus près du processus et du core business et le moins possible à côté. C’est pour cela que je suis parfois prudent voire réservé sur tous ces appels à projets qui peuvent être lancés. Au final, créer cette incitation dans le cadre de nos marchés, c’est un acte fort, une prise de position de la maitrise d’ouvrage et des collectivités qui ont incontestablement une responsabilité à assurer pour impulser ce type de dynamique, entrainer les acteurs (entreprises, bureaux d’études, etc.) et innover véritablement, durablement au service de nos projets d’intérêt général et des territoires.

2.« AVOIR LA CULTURE DU RÉSULTAT »

Le terme même d’innovation peut faire peur et être anxiogène. C’est particulièrement vrai au cœur d’environnements publics et/ou de maitrise d’ouvrage. Au tout début, j’ai pu être accueilli avec un peu de méfiance et d’interrogations de la part des équipes opérationnelles. Elles se demandaient : « L’innovation ? Pourquoi, pour quoi faire ? Cela va nous mettre en risque. Nous n’avons pas le temps ». Au final, c’est assez basique, mais tant qu’on n’apporte pas la preuve de la valeur au service du projet et des équipes et qu’on ne s’inscrit pas dans le réel, on patauge….Par ailleurs, ce qui est important au final, ce n’est pas tant le côté novateur du projet mais le bénéfice qu’il va apporter pour le projet, les équipes. Ça va vraiment orienter le portefeuille de projets et la façon dont ils vont être pilotés. Nous sommes finalement assez « terre à terre » en étant plus intéressés par les résultats recherchés/ produits, que le caractère plus ou moins novateur d’une solution. Cela peut paraitre basique dit comme ça mais j’ai trop souvent vu des directions de l’innovation se perdent dans des champs de recherche /prospective sans impact direct/clair pour leur entreprises/projets. Bref, pour moi, mais cela m’appartient, le caractère innovant est secondaire comme critère. Si je prends l’exemple du béton fibré (lire ci-contre). Oui, c’est innovant parce qu’il n’a jamais été déployé sur du métro en France. Mais on peut dire que c’est relativement peu innovant au regard d’expériences à l’étranger. Bref, il peut y avoir débat. En revanche, ce qui est certain c’est que cette alternative a eu des bénéfices significatifs sur le projet Grand Paris Express.

3. « ENTREPRENDRE »

Pour faire avancer les démarches d’innovation dans les entreprises publiques, il faut avoir envie de bouger les choses dans un sens positif, c’est-à-dire faire venir des nouvelles propositions de valeur qui apportent quelque chose au projet et aux équipes. Je pense à un bénéfice économique ou environnemental. Et pour cela, il ne faut rien lâcher ! Les valeurs entrepreneuriales sont ici mises en valeur car il faut effectivement savoir
​« entreprendre » les 
projets (et ne pas se contenter d’être sur un « mode conseil » ou « accompagnement ») si on veut faire bouger les lignes.

4. « SAVOIR CONSIDÉRER L’ÉCHEC »

Accepter l’échec fait partie du jeu, certains disent même qu’il faut le célébrer. J’avoue avoir du mal à ouvrir une bouteille de champagne à chaque fois qu’on arrête un projet mais peut-être que cela viendra ! Peu de projets innovants vont jusqu’au bout et il faut : 1/ l’intégrer et faire avec, 2/ tirer les conséquences de ces échecs pour s’améliorer y compris dans la gestion et pilotage de projets (test and learn comme dirait l’autre). Bref, je ne sais pas si c’est un commandement mais ça fait partie du job quand on veut innover dans nos environnements.

« QUAND ON VEUT INNOVER DANS LES COLLECTIVITÉS OU ENTREPRISES PUBLIQUES, IL FAUT SAVOIR CONVAINCRE ET EMMENER LES ÉQUIPES. »

5. « SEUL ON VA PLUS VITE, ENSEMBLE ON VA PLUS LOIN »

Quand on veut innover dans les collectivités ou entreprises publiques, qui ont leur modes de fonctionnement et cultures propres, il faut savoir convaincre et emmener les équipes dans ces sujets. Ce n’est pas toujours évident mais c’est une condition sine qua none. Il faut par ailleurs prendre du temps, être patient. Ensuite, si vous savez ne pas être trop mauvais tacticien, et si vous vous appuyez sur les bons leviers alors là, on peut commencer à faire des choses et à avoir de vraies actions de transformation et d’innovation. Avec de véritables bénéfices environnementaux, économiques, sociaux, etc..

6. « S’ASSURER DU PORTAGE STRATÉGIQUE ET OPÉRATIONNEL »

Le portage stratégique et opérationnel, c’est un vrai commandement dans l’innovation. Si on n’a pas pensé à cela, cela ne sert à rien de micro-expérimenter. À titre d’exemple, à la SGP, nous avons créé un outil, la météo des chantiers, vendu à une filiale d’un grand groupe de BTP. Cet outil n’aurait jamais pu voir le jour sans ce double portage au niveau opérationnel avec des Directeurs de projets des lignes 15 Sud et 16 « sponsor » du projet et à un niveau stratégique où le Directoire a porté le projet tout du long, y compris quand cela « tanguait » un peu. La solution a été déployée sur une quinzaine de chantiers et sera étendue à terme à plus de 30 chantiers.

7. « TROUVER LES CONDITIONS D’UN DÉPLOIEMENT »

Dans les projets d’innovation, si on ne pense pas et on ne créée pas tout de suite les conditions d’un déploiement généralisé, on peut être quasi sûr que ça ne marchera pas. Les environnements comme les nôtres sont souvent frileux au risque. Créer de la nouveauté va engendrer de la perturbation. Les gens n’en veulent pas. Donc, si on veut expérimenter, on doit prévoir le « nextstep », à savoir toutes les conditions, en particulier en termes de moyens à mettre en œuvre et d’intégration dans une feuille de route stratégique et opérationnelle. Un passage obligé pour que la solution passe à l’échelle. 

Propos recueillis par Hélène Leclerc

L’exemple du béton fibré

« Il y a trois ans, on a poussé un sujet : le béton fibré. Peu de personnes voulait en entendre parler. On me disait que cela faisait des années qu’on travaillait avec du béton armé pour construire les métros, pourquoi changer ? On leur a montré qu’on avait déjà utilisé du béton fibré sur d’autres ouvrages voyageurs dans le monde avec des impacts à plusieurs niveaux, économique d’abord (en gros quelques centaines de milliers d’euros par kilomètre. Le métro du Grand Paris, c’est 200 km de voies nouvelles…) et d’un point environnemental/GES ensuite. Et il a par ailleurs un impact positif sur la résistance et la durabilité de l’ouvrage. Après quelques mois d’ateliers et de mobilisation à tous les niveaux, on a réussi à mettre en place le béton fibré sur une partie de la ligne 16. Aujourd’hui, c’est une solution proposée de façon assez standard par les entreprises, ce qui est une vraie victoire. »

BIO EXPRESS

Avant de rejoindre la SGP, John Tanguy était depuis 2012 directeur de projet innovation au sein de la direction de la stratégie du Groupe Caisse des dépôts. Il y a notamment créé et dirigé le Lab CDC, l’incubateur de projets innovants du Groupe Caisse des dépôts. En 2013, le Lab CDC a incubé 20 projets au service de l’intérêt général. Entrepreneur lui-même, John Tanguy a créé trois entreprises depuis 10 ans.

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