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LA DONNÉE NUMÉRIQUE : ET SI LA DONNEE N'EXISTAIT PAS ENCORE ? (PARTIE 2)

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LA DONNÉE NUMÉRIQUE : ET SI LA DONNEE N'EXISTAIT PAS ENCORE ? (PARTIE 2)

La donnée est aujourd’hui omniprésente, et les collectivités territoriales ne font pas exception. La gestion des données, qu’elles soient à protéger ou au contraire à partager, est un enjeu  auquel les collectivités sont confrontées au quotidien. Voici ici la suite de l’article de Xavier Boivert sur cette passionnante question. (1re partie à lire dans ID Efficience Territoriale n°55 - décembre 2018. Voir aussi encadré ci-contre).

Xavier Boivert (DGS de la commune de Mordelles (35 Ille et Vilaine)

LA DONNÉE : UNE TERRE DE CONQUÊTE POUR L’ADMINISTRATION PUBLIQUE

Nous pensons la donnée omniprésente autour de nous. En réalité, la donnée est une terre difficilement accessible dans cet univers complexe. Revenons à ce qu’est intrinsèquement une donnée : une façon simple et claire de caractériser une information. Quand le dirigeant a-t-il vraiment accès à cette donnée ?

La plupart du temps, le dirigeant n’a plus accès qu’à des statistiques, tirées d’un « logiciel métier », qui retraite des données plus ou moins fiables selon des paramétrages plus ou moins compris. C’est probablement moins vrai dans les domaines financiers ou des RH, déjà bien pilotés, que dans la conduite des projets ou dans les services courants, où les données manquent souvent de pilotage.

Or, c’est là que résident les enjeux actuels sur les données.

Dans nos systèmes informatiques, il n’est pas rare de voir des différences dans les données relatives à une même personne entre deux organismes pour une même prestation, par exemple une commune et la CAF pour un service à l’enfance. La qualité de la donnée n’est pas forcément garantie par nos systèmes car chacun est indépendant et la libre administration territoriale a permis un développement « from scratch » comme disent les informaticiens, c’est-à-dire à partir de rien. Aucune contrainte, ni de support, ni de forme, ni de gestion.

Il existe dans la plupart des communes des dizaines de fichiers de données et ils sont rarement comparables voire compatibles.

Une solution pourrait être de changer de logique en cessant de considérer que la donnée existe et qu’il suffit de la protéger ou de l’ouvrir. Il faudrait pour cela considérer que la donnée n’existe pas. La donnée telle que nous la souhaitons n’existe pas encore, en fait. Il faut l’admettre dans bien des cas et il semble utile d’utiliser cette méthode, même quand elle existe en réalité, pour sortir de l’ornière dans laquelle sont la plupart des administrations territoriales. Tout est prêt pour faire apparaître cette donnée mais il reste à la faire naître.

LA DONNÉE, À PROTÉGER OU PARTAGER

Prenons la donnée à protéger. Celle qui, confidentielle, renseigne sur les individus qui sont identifiés dans nos systèmes. Il s’agit d’un nom, par exemple, qui est dans un tableur après avoir été collecté via une plateforme. S’agit-il déjà d’une donnée ? Pas forcément. Il reste à la caractériser, créer les liens logiques avec les autres données de l’individu et en sécuriser l’accès. Avant cela, ce n’est qu’une simple information, non qualifiée et encore brute. Tout un travail devrait permettre de lui attribuer le statut de donnée au sens de donnée gérée.

Ce travail doit ensuite être utile à ceux qui n’ont pas un même niveau de formalisme dans leur système et qui gère en fait la même donnée, d’abord au sein de la même administration puis d’une façon plus globale. La façon de caractériser un nom devrait, idéalement, être la même partout et tout le temps. La question des normes et des supports est ici un enjeu majeur.

Prenons d’un autre côté la donnée à ouvrir. Celle qui, porteuse d’une valeur pour la société civile, est à mettre à disposition en dehors de l’administration. Existe-t-elle déjà dans les systèmes ? Pas toujours et même rarement de façon exploitable, en fait. Nous savons en général dire quel est le nombre de marchés passés dans un domaine donné mais il est plus difficile de parler des données physiques et financières qui sous-tendent ces marchés.

Or, ce qui serait vraiment utile est précisément cette donnée physique ou financière que nous ne maîtrisons pas toujours. En fait, comme il n’existe pas de référentiel ni de protocole, comme un RGPD de l’open data, nous sommes bien démunis pour savoir quelles données ont un intérêt en réalité. Rappelons qu’elles n’en ont pas vraiment dans l’absolu pour les administrations. Nous voyons donc que la donnée est une terre encore vierge qu’il faut conquérir par sa qualification, sa gestion et sa sécurisation. Le graal serait sans doute la normalisation du maximum de données pour que les opérations ultérieures soient vraiment simplifiables. 

C’est toute une culture de la gestion des documents informatiques et de ce qui est à l’intérieur qui est à poser, en fonction des besoins de chaque administration. Avant de dématérialiser tous les processus et les formations, nous devons rester attentifs à bien former tous les agents concernés au numérique et à s’assurer que le seuil d’équipement pour y répondre est franchi dans la plupart des administrations (maintenance comprise). 

L’hygiène informatique, la vigilance dans la collecte et l’utilisation des données, la rigueur dans le classement des informations et des fichiers sont des sujets encore neufs pour beaucoup d’agents du service public et méritent désormais un investissement prioritaire, même et peut être d’abord des dirigeants territoriaux.

« Nous devons rester attentifs à bien former tous les agents concernés au numérique. »

LE RAPPEL EN BREF DE LA PARTIE 1 (ID Efficience Territoriale n°55 - décembre 2018)

Si la donnée est aujourd’hui partout, elle est encore assez mal maitrisée par les collectivités territoriales. Et les questions qui

s’y rapportent fréquemment peu anticipées : « les dirigeants des administrations territoriales viennent de vivre un choc assez

traumatisant devant l’obligation de répondre aux exigences du règlement général sur la protection des données (RGPD) le 25

mai dernier. Rares et bienheureuses sont les collectivités qui savent déjà ce qu’elles doivent mettre en oeuvre pour protéger

les données vulnérables dont elles ont la responsabilité », rappelait Xavier Boivert dans nos colonnes d’ID 55.

La maîtrise encore très partielle de la donnée est au coeur de toutes les difficultés.

« Protection et ouverture des données nécessitent une même chose : la maîtrise de la donnée (…) Cette maîtrise semble acquise

par l’existence de données dans un système informatique. Or, l’automatisme du traitement des informations ne promet rien d’autre

que l’exécution de ce qui est demandé. La question est donc d’abord de savoir ce que nous avons demandé au système pour traiter

les informations. »

Les systèmes opaques qui entourent aujourd’hui l’univers de la collecte et du traitement de ces données rajoutent à la

difficulté d’accéder à ces données. « La spécificité de l’administration publique est qu’elle découvre pratiquement aujourd’hui la

valeur et le risque liés aux données qu’elle gère (…) Il manque donc aux dirigeants publics et à l’ensemble des agents une

certaine culture de la donnée au moment même où l’obligation d’efficacité dans sa gestion devient impérieuse. »

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