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ANALYSE : COMMENT UN AUDIT DE DEBUT DE MANDAT PEUT DEVENIR UN OUTIL CONSTRUCTIF

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ANALYSE : COMMENT UN AUDIT DE DEBUT DE MANDAT PEUT DEVENIR UN OUTIL CONSTRUCTIF

​Avant chaque renouvellement électoral, nous, membres de direction générale, nous inquiétons d’une éventuelle alternance et de notre capacité à répondre de la gestion de la mandature précédente. Même sans cadre précis de notre rôle, nous nous sentons liés à la gestion antérieure. C’est une mauvaise façon de se poser une bonne question : celle de la marge de manœuvre de la direction générale dans les choix de gestion.

Qu’il y ait alternance politique ou continuité large de l’exécutif, la question du lancement de mandat se pose. En effet, chaque nouvelle mandature doit pouvoir disposer d’une base de référence pour asseoir ses choix de gestion futur. C’est le but d’un audit de début de mandat. Il faut faire comprendre aux élus que l’important est de construire et non pas de critiquer le mandat antérieur car cela ne dure qu’un temps court et que cela lasse les citoyens/électeurs.

FAIRE APPEL À UN CABINET SPÉCIALISÉ

Sur la forme, l’audit de début de mandat doit être confié à un cabinet spécialisé. Il ne doit pas être qu’une analyse financière mais aussi un outil de compréhension de la gestion précédente. Cela ne peut donc être fait par un cabinet d’expertise comptable dont la vision sera limitée voire nulle puisque la comptabilité publique et la consolidation des budgets annexes restent des spécificités du monde territorial. Les règles de la commande publique doivent être respectées pour attribuer cette prestation qui prendra la forme d’un marché à procédure adaptée compte tenu des montants usuels. Comme pour toute commande publique, le secret de sa réussite tient dans la qualité du cahier des charges. Un travail rigoureux de rédaction doit être réalisé en équilibrant les attentes techniques de la direction générale et les attentes politiques de l’exécutif. Il ne faut pas avoir peur de la transparence surtout que toutes les données sont publiques et détenues par le comptable public.

CONSOLIDER LE BUDGET PRINCIPAL

La direction générale doit apporter les questions technico-financières et comptables. À ce titre, un audit doit pouvoir faire le bilan de tous les comptes administratifs sur une période à définir (un seul mandat ou rétrospective plus lointaine). La première tâche du cabinet conseil sera de consolider le budget principal et les budgets annexes pour ne pas faire d’erreurs d’analyse sur les niveaux d’épargne ou de dette. Il peut aussi arriver que la consolidation exige d’aller jusqu’à des entités publiques ou privées extérieures telles que le centre communal d’action sociale, des régies autonomes ou des sociétés locales titulaires de contrats de délégation de service public ou de conventions d’aménagement par exemple. En effet, un risque peut totalement être externalisé et un budget principal peut être très vertueux quand les risques patrimoniaux ou les dettes sont logées dans des SEM par exemple.

EVALUER LES POLITIQUES PUBLIQUES

Une fois la question du périmètre de l’audit défini, la seconde étape consiste à identifier les politiques publiques auditées. L’audit peut porter sur les procédures de gestion. Lors d’une alternance douloureuse, la nouvelle équipe va chercher des fautes et va vouloir contrôler le bon respect des procédures de la commande publique ou le respect des règles d’attribution de subventions. Des lignes budgétaires « sensibles » seront aussi auditées comme les dépenses de communication ou de protocole. La direction générale doit aussi proposer que l’audit porte sur la gestion de politiques publiques, au cœur des préoccupations de la nouvelle équipe municipale pour définir le socle et permettre en suite aux élus de proposer de nouveaux axes politiques. Par exemple, l’audit peut analyser le gain réel de la modification d’une politique tarifaire ou de l’externalisation (ou de l’internalisation) d’un service public. Cela s’apparente à un travail plus classique d’évaluation d’une politique publique. Ce sera moins polémique et plus constructif pour le mandat à venir. 

S’INTÉRESSER AUX RESSOURCES HUMAINES

L’audit doit aussi comporter une analyse de la gestion des ressources humaines. Il s’agit de mettre en avant la politique de rémunération ou d’avancement antérieur (ou l’absence de politique structurée le cas échéant). En effet, pour les collectivités les plus importantes et dotées de commissions paritaires propres, elles devront adopter des orientations de gestion. Le nouvel exécutif a donc tout intérêt à disposer d’éléments sur le dialogue social passé. En matière de recette, il est courant que les audits se concentrent sur la fiscalité et sur la dette. Certes, ce sont des enjeux majeurs mais, en la matière, le dernier mandat risque d’être pauvre en information nouvelle car il a vu peu de collectivités alourdir inconsidérément la pression fiscale et la faillite de la banque DEXIA, il y a une dizaine d’années, a largement mis fin aux prises de risques exotiques.

« CIBLER LES PRÉOCCUPATIONS DES ÉLUS »

En revanche, l’audit pourrait porter sur d’autres pistes. La première est celle de la politique tarifaire. La répartition des coûts entre les usagers via les tarifs et la solidarité via la contribution du budget général est un axe de réflexion qui peut intéresser les élus. D’autre part, la constitution du tarif est également révélatrice de choix politiques. Les tarifs sont-ils identiques pour tous ? Y-a-t-il une politique de quotient familial ? Le tarif est-il basé sur un taux d’effort pour limiter les effets de seuil des grilles de quotient ? La seconde, plus nouvelle, est la politique patrimoniale. En effet, les communes ont un patrimoine important qui rapporte souvent plus aux exploitants privés qu’à la collectivité. Les redevances d’occupation du domaine public sous toutes leurs formes (stationnement, terrasses…) sont des revenus à mobiliser. Et c’est une faute de gestion de ne pas le faire. Toujours sur le volet patrimonial, des collectivités ont réduit leur dette en vendant des terrains et d’autres ses sont endettées en constituant des réserves foncières. Ces deux politiques ne sont pas condamnables en soi mais il convient d’observer si elles sont adaptées à la situation locale. Il faut aussi différencier les conséquences et les risques d’une politique d’acquisition immobilière pour limiter la spéculation foncière, d’une politique d’acquisition foncière pour remettre sur le marché des biens vacants et lutter contre la désertification. De même, céder du patrimoine pour densifier un cœur de village ou pour favoriser l’étalement urbain par des zones pavillonnaires n’a pas le même impact financier sur les équipements publics et les réseaux. Enfin, la troisième piste est la mobilisation des financements extérieurs. L’identification des subventions non sollicitées ou perdues faute de respect des délais de réalisation sont des éléments importants d’un audit sur lequel pourra s’appuyer une direction générale pour solliciter les moyens pour accompagner les projets d’investissement. En tout état de cause, il ne faut pas vouloir tout « auditer » mais cibler les préoccupations des élus. Cela permettra d’avoir un résultat plus rapide et de clore plus vite l’inconfort de la période de transition. L’objectif devrait être de construire une politique nouvelle et non de regarder en arrière.

PAR MATHIEU LHERITEAU, 

Directeur général des services de la Communauté d’agglomération de Blois - Agglopolys



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