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TOP MANAGER : UN DIRCOM AU COEUR DE LA CRISE

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TOP MANAGER : UN DIRCOM AU COEUR DE LA CRISE

​À la tête d’une équipe d’une cinquantaine de personnes, Laurent Riéra, dircom de la ville et de la métropole de Rennes, est revenu aux fondamentaux de la communication pendant la crise sanitaire. Un travail de proximité qui porte ses fruits et qui n’empêche pas de continuer à mener la diversification éditoriale.

VOUS AVEZ RÉCEMMENT DÉCLARÉ QUE « RIEN NE SERA COMME AVANT » DANS VOS MÉTHODES DE TRAVAIL. VOUS ÊTES TOUJOURS EN ACCORD AVEC CES PROPOS ?

La crise est venue nous bousculer sur des enjeux forts, je pense notamment à l'indispensable reconquête de la confiance dans la parole publique. On sait qu'on s’adresse le plus souvent à un public bien intégré, à des « insiders », qui prennent le temps de nous interroger, qui se sentent légitimes à émettre un avis. Cela signifie surtout qu’on laisse de côté beaucoup de monde, ceux que Brice Teinturier appelle les « Praf », les plus rien à faire, plus rien à foutre. Pour des tas de raisons, une grande partie de la population n’est pas sensible à nos messages. La crise nous a obligés à être ultra pédagogues et à porter l'information au plus grand nombre d'habitants, le plus rapidement possible. Nous avions auparavant déployé de nombreux outils, souvent numériques, pour diffuser notre communication. Mais il nous a fallu être plus exigeant et plus efficace. Nous sommes revenus aux fondamentaux de la communication. On a imprimé des affichettes sur les gestes barrière, sur le confinement, que nous avons posées dans les halls d’immeubles, en lien étroit avec les bailleurs sociaux. On a sorti des mégaphones pour donner de l’information en direct aux habitants. On a considérablement élargi notre palette d’outils et les points de contact pour porter l’information.

QUELS ENSEIGNEMENTS TIREZ-VOUS DE CE TRAVAIL ?

D'abord l'importance du langage. C'est un enjeu majeur et plus complexe qu'il n'y paraît: nous devons être très vigilants à privilégier une communication facile à lire et à comprendre. Je pense aussi au travail mené avec le tissu associatif, qui a pu permettre de rapprocher les points de vue, là où il pouvait y avoir parfois une certaine méfiance par le passé. Très rapidement, tout le monde s’est retrouvé sur l’essentiel et les relations de travail sont devenues plus simples. On garde aujourd’hui le bénéfice de ces liens. On n’a pas pris un manuel pour appliquer les principes de la communication de crise. La réalité s’est imposée : on a agi en transparence, en expliquant les problèmes et les décisions quasiment en temps réel, notamment grâce à la vidéo sur les réseaux sociaux. On a montré qu’il y avait quelqu’un aux manettes en incarnant, par la voix de la maire, le travail de la cellule de crise. On a pris des décisions en une minute, là où il aurait fallu des semaines en temps normal.

EST-CE QUE LA CRISE EST UN RÉVÉLATEUR DE CHANGEMENT DANS LA COMMUNICATION PUBLIQUE ?

Nous exerçons un métier en constante évolution. Le phénomène que l’on constate depuis une dizaine d’année, c’est que l’usager est devenu la figure centrale des politiques publiques. Et tant mieux. La crise n’a fait que confirmer cette tendance. Cette demande d’information de proximité est un besoin. On ne peut pas faire l’économie du dialogue permanent. Aujourd’hui, nos données produites et publiées sont toutes opposables. L’usager peut les vérifier. Cette nécessaire co-construction des politiques publiques doit être aussi applicable à la communication publique. Je prends l’exemple de notre site internet. On a opéré une refonte il y a deux ans en nous appuyant sur plusieurs focus group. Leur message a été clair: « nous voulons du service quand on vient sur votre site. Si on veut de l’information, on va sur les sites dédiés ». Il a donc été décidé de supprimer toutes les actualités et de nous concentrer exclusivement sur la qualité des réponses aux questions pratiques. Résultat: une augmentation de 70% le taux de connexion unique. Quant aux actualités, puisque nous devons continuer à produire du récit, elles sont désormais accessibles sur l’appli Ici Rennes qui a été téléchargée 20.000 fois à ce jour.

QUELS PROJETS ONT ÉTÉ LANCÉS DERNIÈREMENT ?

On travaille sur la valorisation des conseils municipaux et métropolitains pour montrer au public comment se prennent les décisions, pour expliquer la mécanique démocratique. Ils sont diffusés en direct sur les réseaux et sur notre chaîne YouTube. Les internautes peuvent nous poser des questions auxquelles nous répondons en temps réel, en nous appuyant sur les infographies préparées à l'avance. Le soir même, on est capable de produire des capsules vidéo invitant l’internaute à revivre les débats où il a été question de la construction d’une école ou d'une piste cyclable. On est dans de la vraie pédagogie, on « feuilletonne » sur les politiques publiques. Si j'osais, je dirais que les décodeurs, c’est quasiment nous. Nous n’avons pas pour autant oublié les magazines, mais en faisant le choix d’une ligne éditoriale plus distanciée de l'actualité. Nous éditons chaque année un hors-série de 100 pages qui dévoile des aspects méconnus de la ville sous forme de balades oniriques. On a lancé notre chaine de podcast avec notamment une série intitulée « Raconte-moi Rennes ». Les émissions sont écoutées entre 1000 et 4000 fois. Cela touche un nouveau public. Au final, on souhaite que l’habitant ait une représentation positive de sa ville.

Propos recueillis par Hélène Leclerc

BIO EXPRESS
Laurent Riéra a commencé sa carrière comme journaliste indépendant avant de se lancer dans la communication publique des territoires. Il développe une expertise dans le marketing éditorial d’abord à Saint-Quentin en Yvelines puis en tant que directeur de la communication pour l’agglomération Grand Paris Sud. Intervenant au CELSA et en Master à l'université Rennes 2, il est administrateur de l'association Communication publique.


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