TOP MANAGER : TRAVAILLER DANS LA CONFIANCE LE PILIER D'UNE SYNERGIE D’ÉQUIPE
Le service public chevillé au corps, Doriane Huart, Directrice générale adjointe des pôles innovation et dialogues et Ressources humaines, adjointe au directeur général des services à la Métropole européenne de Lille, s’emploie à mener la transversalité dans les pôles qu’elle dirige. Son seul et unique point pour la synergie d’équipe : la confiance.
COMMENT AVEZ-VOUS REJOINT LA FONCTION PUBLIQUE ?
C’était un superbe hasard. Je travaillais dans le secteur culturel. La fibre était déjà là. La culture est une activité de bien commun, de service au public, d’ouverture aux autres. Assez naturellement, je me suis fondue dans les valeurs de la fonction publique. J’ai découvert une chose extrêmement précieuse : le nombre de métiers que l’on peut y exercer. Dans la fonction publique, les parcours professionnels sont beaucoup plus faciles que dans le privé.
Le musée d’art moderne a fermé ses portes pour travaux pendant deux ans. Du coup, quand vous êtes responsable de la communication et du mécénat, ça devient moins intéressant ! La communauté urbaine, mon employeur, m’a « récupérée ». J’ai ouvert mon parcours aux projets stratégiques : le Grand stade, le réseau social de la collectivité, la communication interne...
À l’horizon du dernier mandat, j’ai eu l’occasion de rejoindre la direction générale des services en tant que chargée de mission auprès du DGS de la MEL. J’ai passé l’examen professionnel d’administrateur. Je suis devenue DGA des deux pôles, innovation et dialogues et depuis deux ans, des Ressources humaines.
EST-CE QUE VOUS AVEZ UNE MÉTHODE POUR MANAGER VOS ÉQUIPES ?
Mon management est basé sur la confiance. Pour moi, c’est le premier pilier d’une synergie d’équipe. Les agents connaissent le curseur des sujets qui doivent remonter à mon niveau. Je fais en sorte d’être extrêmement disponible. Mon organisation ne doit pas polluer la leur. Mais je suis toute aussi attachée à ma vie personnelle. Ce qui structure mon organisation. J’ai le souci d’envoyer des signaux à mes enfants : leur monter que leur maman a des responsabilités mais qu’ils sont toujours au coeur de mes préoccupations. Je travaille en confiance avec mon DGS et le président. L’important est de faire le job, de répondre présente quand on a besoin de moi, ou de savoir les informer quand il le faut.
COMMENT EST-CE PERÇU DANS LES ÉQUIPES ?
Lors des entretiens annuels, nos collaborateurs nous évaluent sur notre management. Ce qui revient souvent, c’est le travail en confiance. La confiance nous permet beaucoup de franchise. On met les choses sur la table. On se parle, on dissipe les malentendus et on passe à autre chose. C’est hyper confortable et on gagne un temps précieux. Les énergies ne sont pas mobilisées pour des querelles inutiles mais au contraire pour promouvoir des actions collectives. Si on n’a pas la confiance, on ne peut pas engager de synergie avec les équipes.
CE MANAGEMENT DE CONFIANCE SE RETROUVE-T-IL DANS L’ORGANISATION DE TRAVAIL DE LA MEL ?
À la MEL, on ne travaille pas en silo, c’est forcément transversal. Au sein du pôle RH, par exemple, on a deux directions principales, organisées en « front office » et « back office ». Une direction « vie de l’agent » est en contact direct avec les agents sur des sujets relevant de la protection sociale, les retraites, l’action sociale, la formation ou la documentation. Une direction « pilotage et administration RH » est tournée vers la gestion individuelle de carrière, le conseil en organisation, l’observatoire des emplois et des compétences, et l’organisation du temps de travail. Cela ne veut pas dire qu’ils ne croisent pas d’agents tous les jours mais ils ne sont pas en première ligne. Le pôle RH se positionne comme un « service client » délivré à nos agents : on fait l’effort de la transversalité. Pour l’agent, c’est plus clair. Il a un guichet d’entrée, on lui facilite la vie.
QUELS OUTILS AVEZ-VOUS DÉVELOPPÉ POUR CRÉER DU LIEN ENTRE LES AGENTS, POUR ANIMER CETTE TRANSVERSALITÉ ?
Dans le pôle innovation et dialogues, la direction de la culture interne et managériale a développé beaucoup de supports : un journal télévisé, des podcasts, un journal interne, de l’affichage dynamique… Avec la transversalité, on a investi la convivialité. On organise des soirées pour découvrir nos équipements : par exemple visiter la patinoire en famille. On crée des liens. En 2020, lorsque la MEL est devenue « capitale mondiale du design », on s’est formé au design des politiques publiques. La première démarche, c’est se questionner, s’ouvrir et de rassembler l’ensemble des parties prenantes autour d’une table. On essaye d’avoir ce réflexe là dans nos opérations. C’est ce que l’on appelle la culture interne. On se dit : « Un agent MEL doit se reconnaître ». Comment ? Dans la qualité de sa réflexion, dans sa posture, dans ses valeurs. C’est extrêmement ambitieux ! On essaye d’appliquer l’adage de notre président qui nous dit : « Il faut ouvrir les portes et les fenêtres de la Métropole ». En clair : allez voir des partenaires, enrichissez-vous d’autres pratiques, construisez une pensée métropolitaine, proposez-la aux équipes.
COMMENT FAITES-VOUS POUR MAINTENIR CETTE DYNAMIQUE EN PLEINE CRISE SANITAIRE ?
On doit s’adapter, le faire autrement. On maintient nos liens à travers nos « cafés des managers ». On a entre 50 et 100 managers qui se connectent et qui posent des questions. Pour nous, c’est garantir la fiabilité de la circulation de l’information via les managers. En cette période, l’agent doit avoir des réponses. C’est précieux d’avoir cette animation et pour nous, ce sont des vrais vecteurs d’innovation managériale. Et c’est aussi consacrer du temps. On anime la communauté des managers, ils se reconnaissent entre eux. Si on veut être exigeant envers eux, qu’ils construisent une pensée, qu’ils portent les décisions et les projets de l’établissement, on se doit de les accompagner en retour.
Inspiration(s) : la démarche innovante pour construire Lille, capitale européenne du design
« On a multiplié les séminaires pour expliquer aux managers ce qu’était le design des politiques publiques, comment on pouvait engager des POC, « proof of concept ». Le POC vise à simplifier, à accroître l’efficacité du service public et plus précisément dans notre administration. On a un accord-cadre avec un groupement de commandes de 5 designers pour nous accompagner. Derrière, on aborde le service public d’une façon plus innovante, plus proche du terrain et des besoins des parties prenantes. D’une cinquantaine d’idées, on garde trente POC, mis en oeuvre dans le cadre de la capitale mondiale du design, trente projets à différentes échelles qui vont faire bouger le service public. Cette démarche porte un nom, « Inspiration(s) ». Elle a pris la forme d’une revue diffusée vers l’extérieur. L’innovation, c’est ça, on commence par un questionnement, on fait le pas de côté. On ne cherche pas à faire du nouveau pour faire du nouveau. L’innovation, c’est un progrès réel ou supposé dans un contexte donné. »
VOUS FAITES PARTIE DE L’ASSOCIATION DES ADMINISTRATEURS TERRITORIAUX DE FRANCE (AATF). EN QUOI EST-CE IMPORTANT POUR VOUS ? QU’EST-CE QUE VOUS Y TROUVEZ ?
Le réseau enrichit forcément d’une façon et d’une autre. L’association est très orientée pour donner de la visibilité à la haute fonction publique territoriale. C’est un écho à la stratégie RH défendue au sein de la Métropole. On a 3,5 % de contractuels, c’est très peu. Je suis alignée entre les principes de l’association et la politique RH portée à la Métropole.
L’INNOVATION, EST-CE INTUITIF OU RÉFLÉCHI ?
Pour mener l’innovation, il faut être à la fois instinctif et réfléchi. Il faut savoir s’enrichir d’autres pensées. Dans les logiques de design, on est entouré de sociologues, d’économistes ou d’architectes qui apportent une autre vision, nourrissent nos réflexions. Il faut faire naître des réflexes. Derrière l’innovation, il faut la personnaliser, l’animer et lui consacrer du temps. Et l’essayer en mode « réussites et échecs ». L’injonction de dire : allez, aujourd’hui on innove, ça refroidit !
Propos recueillis par Hélène Leclerc
BIO EXPRESS
Diplômée de Science Po Lille, Doriane Huart a passé un master de médiation culturelle. Elle débute sa carrière dans une association culturelle en Bretagne, puis rejoint le Nord et devient responsable de la communication du musée d’art moderne, le LAM, situé à Villeneuve d’Ascq. En 2004, elle passe le concours d’attaché territorial ; en 2016, l’examen d’administrateur territorial. En 2017, elle devient DGA du pôle innovation et dialogues, adjointe au directeur général des services, puis voit le pôle Ressources humaines s’ajouter à son portefeuille à la Métropole européenne de Lille. Elle effectue aussi son 2e mandat au sein du bureau de l’AATF, l’association des administrateurs territoriaux de France.