TOP MANAGER : Nils Randriamanantena, Directeur de projet pratiques managériales au Conseil Régional des Pays de la Loire
Converti à l’innovation, Nils Randriamanantena - Directeur de projet pratiques managériales au Conseil Régional des Pays de la Loire - s’appuie sur cette culture pour mener ses missions managériales, transformer la collectivité. Des expériences qu’il partage à travers son blog « Le Billet du manager » et en participant à des conférences au sein d’autres collectivités. Entretien avec notre TOP MANAGER du mois.
COMMENT VIVEZ-VOUS L’INNOVATION DANS VOTRE TRAVAIL, AU QUOTIDIEN ?
J’ai un parcours assez classique. Mon ADN n’est pas lié à l’innovation. A travers mon parcours et les situations de crise que j’ai pu connaître, j’ai eu recours à l’innovation et fait notamment appel au lab Labsolu pour m’accompagner.
En effet, au Conseil régional des Pays de la Loire, nous disposons en interne d’un laboratoire de l’innovation. Cette équipe a pour mission de porter des projets de politiques publiques en appliquant la méthode du « design de service », à savoir s’adapter aux usages des publics. Ce qui est intéressant dans cette démarche, c’est de constater que l’administration ne devient pas experte mais elle interroge les récipiendaires, usagers, citoyens sur l’appréhension d’un dispositif et de ses limites. C’est donc là que ma propre aventure a réellement commencé avec l’innovation. Depuis, l’équipe du lab a grandi, a réussi à gagner des ambassadeurs, des sponsors dont je fais partie. Aujourd’hui, je témoigne de notre vision de l’innovation managériale, notamment à travers mon blog, créé en partenariat avec le Lab AATF (le laboratoire de l’innovation territoriale des administrateurs territoriaux).
VOUS CONSEILLEZ DE S’APPUYER SUR CES STRUCTURES ?
Quand vous êtes un(e) dirigeant(e) territoriale, vous avez envie de vous lancer dans l’innovation : faire appel aux laboratoires vous permet de bénéficier de benchmark, de connaissances beaucoup plus fines des réseaux d’innovation déjà en place sur le territoire. On gagne beaucoup de temps y compris lorsque les expériences menées ont échoué.
COMMENT SE MET EN PLACE CETTE MÉTHODE ?
Elle fait appel à l’immersion dans un premier temps. On va voir sur le terrain comment cela se passe. Je pense aux Départements qui ont beaucoup travaillé à remodeler l’espace d’accueil des MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), de même que les communes avec les CCAS (centre communal d'action sociale). On observe : comment l’usager entre, où il va, quel document consulte-t-il, quelles interactions il peut avoir avec la personne de l’accueil. Et on va jusqu’au bout de la chaîne : il dépose son dossier, qui le traite etc,. On décortique la machine. Cela débouche sur des ateliers composés d’usagers, des membres de l’administration, des intervenants extérieurs. On détermine les points forts, les points faibles. L’idée est de décentraliser l’expertise de l’administration vers l’usager. Pour moi, cette méthode est intéressante car elle peut s’impliquer en interne.
QU’EST-CE QUE CHANGE ALORS L’INNOVATION DANS LE MANAGEMENT ?
L’innovation repose sur l’imagination, la créativité, l’invention, l’expérimentation, le droit de se tromper, d’échouer. En instaurant plus de participation au sein de notre collectivité et des services, on augmente la mobilisation, on améliore l’engagement de l’agent. Au final, cela sert le service public, l’usager. C’est ce que nous essayons de faire à la Région. Nous sommes toujours en phase d’expérimentation pour le moment. On a besoin de ce temps de gestation. Nous travaillons sur l’apprentissage entre pairs, l’amélioration des gestions de projets, comment prendre en compte les nouvelles relations de travail comme le télétravail. Il faut accompagner le changement. Il y a beaucoup à faire, par exemple pour faire comprendre aux managers les bénéfices à mettre en place le télétravail au sein des équipes qui ne doivent pas céder à l’anxiété par rapport à la perte de contrôle sur le travail des agents.
QUEL EXEMPLE D’INNOVATION VOUS A PARTICULIÈREMENT MARQUÉ DANS VOTRE PARCOURS ?
L’innovation commence par des petites choses. Quand je dirigeais le service des assemblées, j’avais demandé aux agents d’être force de propositions. C’était même un objectif inscrit dans leur entretien individuel. Le premier travail des assistantes du service a été de revoir le parapheur, l’objet culturel des collectivités par excellence. Elles ont cherché des solutions pour faciliter leur travail au quotidien : un nouveau format pour le rendre plus léger. J’ai eu rapidement l’autorisation d’achat de la part de la hiérarchie. Je pense souvent à cet exemple qui montrer que l’innovation, ce sont des choses simples finalement. Enfin, l’innovation, ce n’est pas une question de taille de la collectivité. C’est même parfois plus facile dans les plus petites collectivités qu’à l’échelle d’une région.
POUR CONCLURE, EN QUOI EST-CE IMPORTANT D’INNOVER DANS NOS COLLECTIVITÉS ?
Nos collectivités sont des organisations bureaucratiques, pyramidales. Mais à la source, la bureaucratie, la technocratie existent pour éliminer l’arbitraire et faire en sorte que tout le monde soit traité de manière équitable. D’où les procédures, le contrôle, l’autorité et la hiérarchie. Je suis convaincu qu’elle a un sens dans la fonction publique. Aujourd’hui, la question est de savoir comment on insuffle plus de liberté dans ces organisations pyramidales, comment on arrive à développer la transversalité. Pour moi, l’innovation, c’est le moyen le plus efficace et le plus compatible avec ces organisations.
Propos recueillis par Hélène Leclerc
BIO EXPRESS
2005 : installation à Berlin comme consultant en management de la culture et des médias 2008 : entrée dans la fonction publique comme Attaché d'administration à la Mairie de Paris
2015 : formation d'Administrateur territorial à l'Institut national des études territoriales (INET), promotion Hannah Arendt
depuis 2016 : chef du service des assemblées puis Directeur de projets RH au Conseil régional des Pays de la Loire, et auteur du blog www.lebilletdumanager.com